On pense toujours que c'est fini. On pense toujours qu'on a fait le tour et non, déboule dans nos écrans et dans notre vie vulgairement connectée une météorite qui vous prend par surprise et par les tripes. C'est exactement comme ça qu'a débarqué une série d'albums extraordinaires peu de temps avant et depuis la réouverture de ce blog piteux. Chacun d'entre eux vaudrait la peine que soit écrit un article dédié et fouillé mais si on ne devait en retenir qu'un (ce qui sera sans doute le cas pour cause de flemmite aiguë -je vous dois rien d'abord hein, mes quelques lecteurs assidus comprendront), hé ben ce serait celui-la. Hop plan, en trois parties, comme d'habitude !
Pour vous planter le décor, le trio de Rata Negra nous vient de Madrid, une ville avec une atmosphère unique, magique et révoltante à la fois et officie depuis une dizaine d'années dans le genre de clubs qui ont défini le son espagnol dans le passé, mais où il ne reste actuellement qu'une dizaine de peulés trentenaires ou quarantenaires -ceux qui savent que Pearl Jam et Smashing Pumpkins ont existé en gros-, alors que les sesentas ils étaient au moins le quadruple. Bref, du bon pédigrée et un bon départ pour un groupe local "solide". Mais rien de non plus incroyable avant 2021 pour la rate noire. Des albums possédant chacun une ambiance propre, mais toujours avec un grain un peu vilain et radical, anti-clérical, dadaiste, bref culturellement antifranquiste mais porteur de cette vision dure et noire de la vie que l'Espagne propose en général. Non ce qui fait vraiment l'intérêt de cet album, ultime, quasi-parfait, et le place clairement un niveau au-dessus, c'est une touche immersive de fou furieux qui fait mouche.
La production est tout d'abord d'une propreté cristalline, ce que l'on attend pas tellement de la part d'un groupe de punk, a fortiori espagnol, sauf peut-être les Lendakaris Muertos. Le travail d'ambiance est absolument énorme, et je n'ose imaginer les heures passées sur la prod'... Tout respire, tout est à sa place, on en prend plein les esgourdes avec les petites variations du jeu de gratte à la fois classique, efficace, sombre mais aussi un peu fantasque de Fa, puisant dans un répertoire large et qui j'espère saura vous parler autant qu'à moi. Difficile de ne pas voir l'influence des groupes des années 80 de Californie (WASP pour le coup) comme Agent Orange, ou plus encore Adolscents période Rikk Agnew, mais subtilement habillée de tous les oripeaux des scènes espagnoles. Comment ne pas croiser les fantômes de las Vulpes, d'Eskorbuto ? Comment ne pas voir l'empreinte des autres groupes cultes argentins (Attaque 77, los Violadores, etc) ? Car c'est bien ce côté punk avec une légère influence latino qui fonctionne si bien ici, une couche d'écho flamenco voire surf, discrètement ska, ou de la pop la plus éculée sud-américaine dont nous pauvres francophones n'aurons sans doute jamais aucune idée précise ('Cuando me muera'), venant amener une plus value réelle à ce punk léger, fidèle à la façon de faire des pionniers américains. La basse ronde n'est pas en reste non plus, donnant assez de mouvement et de charpente aux morceaux quand il faut être mordant, mais sachant ne pas prendre trop de place sur les envolées plus légères. Quant à la batterie, elle sert bien le propos, impulsant des rythmes simples mais enjoueurs et mettant en valeur les autres éléments musicaux. Un son à la fois léger, varié, énergique et un tantinet vieillot et attristé.
Enfin, il y a la voix hypnotique de Violeta. Parfaite, tantôt caressante, tantôt désabusée ou espiègle, mais avec toujours une touche des autres qualités, elle nous clame ses états d'âmes tour à tour émotionnels, violents ou vulgaires. De premier abord calme, comme une fausse Muncie Girl, nostalgique comme le pendant européen d'une Generacion Suicida, Violeta pourtant a un piquant un brin acerbe dans sa façon d'amener son propos, qui fait ressortir tout le côté radical et excessif des scènes contestataires espagnoles de jadis, mais sous un couvert de fausse pop sucrée. Vraiment bluffant ! Comment rester de marbre quand elle nous raconte de façon douce-amère cette histoire d'amour que l'on devine tragique sur 'Romance de Lobos' ? Comment ne pas avoir envie de partir au quart de tour sur 'Venid a ver' ? Accidente de Barcelone avait déjà placé la barre assez haut il y a une dizaine d'années mais il manquait quelque chose que les Madrilènes parviennent à faire vivre ici : un mélange subtil de registres, peaufiné on l'imagine dans les moindres détails.
Au final, quelle bonne bande-son exceptionnelle. Revigorant le souvenir de barrios fantasmés et d'une Movida déjà enterrée mais en y instillant à la fois douceur, inventivité et une certaine noirceur, nous voilà avec une chronique de vies rudement accrocheuse. La vie, la vie vulgaire mise sublimement en chansons. Mon coup de cœur depuis bien des années !
Par où commencer ? Le nom ? La couleur évocatrice ? L'attitude ? Le groupe ? Difficile question car Kohlrübenwinter ('hiver de betteraves') est un de ces objets dont on ne sort pas indemne et dans lequel on entre pleinement, sans aucune concession. 8 pistes issues de deux EPs réunis et deux pochettes hypnotiques, voilà le programme.
Un bon visuel, bien marquant, c'est toujours un plus et honnêtement si on décrypte cette image d'apparence absurde au premier abord, cela fait sens avec le son. Tout sent ici le deutschpunk des origines. Depuis la police en frakturschrift (typique de la fin du XIXème, début XXème), le détournement de l'image du retour à la terre si cher aux traditionalistes avec l'irruption d'une banane géante face cette paysanne wilhelmienne, tel un choc entre des racines supposées meilleures et le monde moderne globalisé -la banane ayant été introduite en ex-RDA en 1989 et véhiculant une symbolique supplémentaire à celle de nous autres pauvres occidentaux pur jus-, cette couleur unie tellement typée DIY fin 70s. Le groupe pousse le vice jusqu'à singer le logo des bananes Chiquita (pas du tout stigmatisant, non, non, même tonneau que Ya'bon) et joue avec son nom de très mauvais goût. Bref, un objet arty et plus réfléchi que l'on pense sous un aspect à la fois kvlt et cheap !
Musicalement, le groupe prend le parti pris d'aller à fond dans le son primitif du deutschpunk, celui des toutes premières années à l'Ouest quand les soldats et les ondes britanniques avaient à peine déposé les graines des scènes de l'Ouest, dans la Ruhr, le Baden-Württemberg ou bien évidemment la cité à qui l'on doit tant, Hambourg . Ici on se retrouve donc avec un objet de dévotion totale à la frange la plus arty et précoce du deustchpunk, bien avant les brûlots si souvent cités sur ce blog. On est totalement ici dans le giron du premier Abwärts, d'Einstürzende Neubauten (Blixa Bargled étant directement cité), d'Artless ou d'Hans-a-Plast. Bref du très très vieux. Outre ces influences évidentes se trouvent également une approche très est-allemande, très Amiga, avec l'inclusion de ce synthé fantomatique (Cuir, groupe francophone que je vous recommande a exactement la même approche). Cette image désuète de ce qui avait fait toute la singularité de l'ostpunk pré- et post- chute du Mur (Die Firma ! L'Attentat ! Feeling B !) se retrouve ici, intacte, comme conservée secrètement dans un vieux frigo des années 80, caché dans un bunker désaffecté de la NVA, ouvert par hasard en 2016. Ah oui, je ne vous l'avais pas dit mais Pisse est originaire de Dresde en ancienne terre socialiste, comme quoi les pommes, enfin les bananes ou les betteraves ne tombent pas loin de... enfin vous avez compris.
Les ambiances alternent, tantôt crépusculaires et décadentes ('Drehtür', 'Vernissage'), parfois stupides (l'intro de 'Armes Schwein'), mais aussi totalement deutschpunk bas du front (le reste de 'Armes Schwein') ou dansantes ('Hundgelatine'). Aucun instrument n'est réellement technique, pour ainsi dire on pourrait même parler de faiblesse pour la guitare avec ces accords ultra-basiques, mais il se dégage tant au niveau des rythmes que des sonorités une maîtrise d'un certain vide, d'un certain minimalisme, pourtant efficace. Le chant est dans la droite lignée de ce qui se faisait dans les premières heures et ne détonera pas du reste, avec des chœurs particulièrement efficaces. Enfin la production est léchée, avec une impression de distance et la juste dose de lo-fi pour retrouver ce son typique des productions indépendantes de la fin des années 70-début 80, subtilement digitalisé pour ne pas paraître trop daté. Très très bien pensé (ou pas) ! Tout donc est lié et rien n'est superflu, c'est à ça que l'on remarque l'essence même d'un album qui vous hantera, l'air de rien.
Enfin parlons des textes. Hachés, abrupts, vaguement dérangeants et apathiques, parfois bizarres et appelant à des notions freudiennes de stade oral, ils sont dans la veine de la critique originelle des premiers groupes de punk de la sphère warholienne à New York ou des groupes pré-anarchistes de Berlin -Berlin-Ouest pour le coup puisqu'à l'Est avec ce genre de discours c'était une disparition "à la chinoise" qui vous attendait en ce temps-là. Sous des couverts de sadomasochisme, de cruauté, et de nourriture malsaine, les éléments du quotidien sont détournés ou plutôt retrouvent leur étrange absurdité, celle de symptômes d'un système sans sens, en roue libre, d'une vie dans un monde de capital, dénuée de véritable but. Ou dit autrement, la société c'est de la merde (encore et toujours ce même message... et si c'était vrai ?!). Certaines punchlines si vous prenez la peine de les lire, ou de vous plonger dans la traduction, ne vous quitteront plus. Sur 'Hundsgelatine' ce sombre gamin jouant avec ses Haribos et son chien, vous remettra bien en tête que les enfants sont des ordures en puissance et n'ont rien de pur. Ou la vacuité de cette société mondaine assistant à un vernissage sur la piste éponyme, présentée sans fard (si comme moi dans une autre vie vous avez fréquenté des cercles un tant soit peu artistiques, vous savourerez...). 'Alt sein' et 'Drehtür' sont plus amères et si la première aborde le temps qui passe et la mort absurde elle aussi, la seconde vous rappellera aux côtés de 'Diesntleistungsgesselchaft' que toute votre vie vous serez prisonniers des marques et de l'exploitation, un produit parmi d'autres produits et que vous ne serez qu'un paumé au final, dans un monde creux. Bref, la triste réalité si on réfléchit bien. Mention spéciale au speech de Louis de Funès en allemand, par ailleurs.
Au final, bien que le reste de la discographie de Pisse soit plus erratique et éclectique, trop peut-être, 'Kohlrüberwinter' est un excellent album qui comme Feeling B ou Die Firma est captivant par son étrangeté, comme une espèce de pari fou et comme 'Punk bleibt punk' de Kotzreiz en son temps, la preuve que bien qu'endormies les scènes punk allemandes peuvent encore donner des frissons à l'heure actuelle.
Recommandé : tout, absolument, même la très atmosphérique 'Dienstleistungsgesellschaft', dispensable musicalement mais cloturant légèrement une œuvre déjà bien dense.
Comme le dit l'adage, tout le monde a des problèmes. Si, si. Vous, moi, les grands de ce monde, les chiens, les chats, tout le monde qu'on vous dit. Alors que l'on pourrait trouver cela dommage au premier abord, peut-être ne saisissons-nous pas notre chance tout simplement. Car sans problèmes, c'est la félicité béate et immobile, l'ennui et la stagnation, ni plus ni moins. Alors oui, les problèmes font chier, bien évidemment, mais ils font que les choses bougent. Ils foutent les nerfs et nous poussent à agir, à réfléchir, à brailler et parfois à monter un groupe de punk (vous l'aviez pas venu venir celle-la hein).
Relativement jeune formation de Leipzig, Piefke est un de ces "bébés-bandcamp" que l'on saura apprécier pour son rapport direct entre eux et l'auditeur. C'est toujours un plaisir de couper le quotidien avec une veille bibliographique deutschpunk, et tomber au détour d'un clic sur ce genre de petites formations en devenir (ou non). Et cette fois-ci ce qui a fait mouche, c'est cette couverture qui malgré un certain style graphique assez cartoonesque n'en possède pas moins des relents d'une vie bien prolo au milieu de ces charmants HLM à l'allemande, différents des français à matrice communiste et "vite, vite, faut que je rapatrie des millions d'ex-coloniaux avant de la fin de l'année". En Allemagne on reste sur du bon reliquat collectiviste national-socialiste, ploutocrate, méprisant, avec du béton sans pitié et des murs de plus de 3 mètres d'épaisseur des fois que le pays se fasse bomber. Mais on est pas sur un blog d'architecture, donc passons au cœur du sujet, première à droite, oui c'est refait à neuf ici.
Musicalement toutes les cases du cahier des charges sont remplies, rien à dire. Malgré un mid-tempo omniprésent ou certains poncifs classiquement éculés, le tout est bien amené et quelques saillies intelligentes viendront éclairer un album convenu. Convenu, oui c'est bien le mot. Ce n'est pas innovant, ce n'est de loin pas mauvais, non, non, c'est un album "solide" à n'en pas douter, avec quelques moments de punch bien sentis. Les roulements, les cassures rythmiques, les lignes secondaires de gratte, une basse un peu ronde et craquante, tout y est, même le petit solo rock'n'roll. Prenez note et appliquez si vous voulez sortir votre premier LP, franchement. Mais pour ceux d'entre vous qui aurait connu la vague française officiant en anglais à accent parisien du début des années 2000 (Burning Heads, c'est vous, oui), ça vous fera certainement bizarre, très bizarre même, de retrouver cette façon de faire mais avec quelques ajustements aux scènes allemandes. Difficile de ne pas sentir sur l'intro de 'Satellitenstadt' l'influence du premier Abwärts, ou bien un parfum de the Lost Lyrics ou encore Supernichts, Kasa, Thanheiser ou même Kann Ich Mit Leben. Bref que des groupes de seconde zone de l'époque, l'underground de l'underground, ni trop mélo, ni trop hardcore, du genre qu'on invoque pas souvent malgré leurs mérites. Personnellement je n'ai jamais vu ça et je dois bien avouer ma perplexité initiale, car typiquement ce punk rock franchouillard américanisé était si insipide qu'il a contribué à me jeter éperdument dans les productions d'Outre-Rhin. C'est précisément pourtant ce mélange inattendu qui a retenu mon attention et paradoxalement m'a donné l'envie de vous en parler ici (une petite larme pour les 5 personnes qui liront au maximum ces lignes, toussa, toussa).
Le chant rudement bien mené, impeccable, avec un timbre de voix ni trop mélodique, ni trop agressif, parfait pour ce genre de compos, nous est délivré avec une régularité à respecter. Les chœurs, eux aussi sont usés avec une parcimonie avisée, toujours au bon moment, sur la bonne montée en intensité de la batterie. Les leçons en efficacité ont été bien retenues là aussi. Rien ne dépasse, tout est carré, les lignes mélodiques du chant se conjuguent parfaitement avec le reste. Les textes sont variés et touchent à des thèmes universels et très contemporains dans notre monde globalisé. Le groupe d'ailleurs nous indique clairement comment situer ses textes et sur quels thèmes : la gentrification, la guerre, l’État envahissant et la répression, l’égoïsme, le "populisme", le racisme, on a droit à un véritable panorama du "Pourquoi et comment la société c'est de la merde man". Alors que cela pourrait sonner creux, un esprit à l'ancienne, ne voulant pas fermer les yeux sur certaines réalités et une bonne dose de sarcasme permettent de faire vivre l'ensemble. Une attitude à saluer, ce retour aux sources du deutschpunk est franchement bienvenue après près de 23 années de noyautage du punk par les milices à drapeau rouge sur noir, financées par on ne sait qui, pour on ne sait quel idéal, mais certainement pas pour l'Anarchie ou le No Future prônées initialement par la frange la plus pionnière du "mouvement".
Au final, un peu comme the Slits en son temps, le propos est intelligent, il n'y a
rien à dire sur le plan technique mais pourtant à la première écoute le tout sonne quelque peu
plat et écouté plus de 10 000 fois, malgré des pointes de fulgurance jouissives qui sauront vous retenir si vous leur laissez une seconde chance. Rien de revolutionär donc mais un bon album cependant pour ceux qui seraient intéressés par un album de veine traditionnelle, obédience fin 90er-début 00er (même si le groupe se réclame de l'esprit des années 80), dans un trip archéologico-nostalgique. Je n'oserais pas vous dire, "album solide, quelques moments de bravoure mais cette galette souffre de quelques...", non je n'oserais pas, on est pas aux Inrâucks ou chez Téléaroma ici hein.
Ayant vraiment été marqué par leur première galette il y a 8 ans -et je dois pas être le seul puisque c'est ma critique la plus lue depuis au moins 6 ans !-, Schleim revenait sans cesse comme un de ces groupes mi-parodiques mi-concept et quelque part une suite semblait logique. Génial à plus d'un titre, 'Deutschpunk muss sterben' n'aurait su avoir une suite juste passable. État des lieux de cette sortie inespérée qui se devait de figurer ici.
Fondamentalement l'obscure formation virtuelle de Leipzig ne change pas sa recette. Le mystère reste tout d'abord entier sur leur identité. Side-project ? Groupe fictif ? Trentenaires à cravates en mal d'agressivité ou dernier bastion du vrai deutschpunk ? Nul ne sait. Seuls points indiscutables, ces mecs connaissent leur punk et leur deutschpunk sur le bout des doigts et avec eux le respect est mort, enterré, puis profané, et enfin balancé dans une décharge sauvage. Élargissant leur champ de désacralisation, ils vont cette fois-ci s'en prendre à des formations assez récentes comme Feine Sahne Fischfilet ou Alarmsignal, au point où c'est à se demander si ce n'est pas une forme de reconnaissance, ou investiguer quelques classiques du hardcore allemand comme Canal Terror voire ricain à l'image de Reagan Youth, également au tableau de chasse.
Musicalement la réalisation est toujours très agréable et rien ne change. Toujours le même son de batterie programmée, toujours les mêmes guitares parfois accompagnées de petits effets forts sympathiques, toujours la même efficacité. Le premier morceau 'Nie wieder deutschpunk' envoie le steack directement avec une compo quasi-parfaite, punk, célère, directe mais non dénuée de passades déstabilisantes et accrocheuses. Schleim montre qu'ils sont en forme et prêts à en mettre plein les oreilles. Le chant est toujours parfait dans son genre, aigri, abusif, avec un débit parfois impressionnant, à faire pâlir plus d'un rappeur du dimanche sur certains passages. C'est aussi avec un plaisir non dissimulé que l'on retrouve lors d'intermèdes avant 'Gras' et sur 'Hermesbotes Skit' les personnages parodiques du "méchant Bulle" et de "l'idiot", qui me font toujours rire, encore plus quand le flic s'en prend à Kotzreiz ou Jennifer Rostock, "typische berliner hipster Scheisse" carrément.
Les textes sont donc toujours acerbes, aigris, tapent là où ça fait vraiment mal. Premières phrases : "Schleim ist back - Rättätättättät
Ich bin nicht Fatoni, doch die Rhymes sind ganz nett", la messe est dite. Mais le propos s'il reste volontairement destructeur et outrancier avec tout son fatras pro-drogues, le plus souvent cruel, animé de la pire volonté de calomnie, à coups d'histoires scabreuses, sales, méchantes comme seuls le plus mauvais esprits de petits villages se complaisent à en imaginer, on peut pour autant en rire et la critique parfois masque une sensibilité (dés)abusée par la vie et les autres humains.
Deux morceaux illustrent très bien ces prismes de lecture opposés. Le premier, la reprise totalement irrespectueuse du 'Heart full of pride' de Perkele, 'Kopf voller Blei', est un taquet direct à toute la vieille scène Oi! apolitique, scotchante par la volonté de dégrader qu'elle dégage même si elle avance les mêmes sempiternels arguments. La seconde, l'autre pépite de l'album 'Mitten im Leben', se montre certes cruelle mais aussi presque touchante dans sa description crue et sans fards de la misère affective la plus banale. Ainsi l'ennui, la médiocrité de la vie, de certains personnages du milieu de
la culture underground ('Brennende Phrasen', 'Tunnel im Ohr') viendront
compléter le constat général, navrant et navré. Une petite exception cependant, 'Fick die C.o.p.s' au texte particulièrement débile et assez raté.
Au final, tout est cliché chez Schleim. Le nom, la pochette, le titre de l'album. Mais c'est ce que l'on cherche, une outrance, un jusqu'au-boutisme qui laisse pantois à chaque fois. Pari difficile de succéder à l'opus qui avait remis les pendules à l'heure en 2013, mais pari réussi, même si ne nous leurrons pas l'impact sera moindre cette fois, l'effet de surprise ayant disparu. Un album dense, qui rappellera à qui veut l'entendre que non, les punks ne sont pas forcément des "gentils rêveurs altermondialistes".
Note : Vous remarquerez que la vidéo est hébergée par la
chaîne d'Endlich Schlechte Musik, autre groupe relativement récent ,
vraiment recommandé si vous aimez les textes en allemand !
Parlons peu, parlons bien. 10 min 40 pour un EP de 5 pistes et un intermède plein de bons sentiments et d'accords soyeux. Ça suffit, pas besoin de plus, parfois il faut aller droit au but.
On commence directement par un titre au raffinement tout relatif mais tellement efficace. 'Ich muss kacken' vous remet droit dans la tête ce qui a fait les scènes de la Bundesrepublik du mitan des années 80 : l'incompromission, l'instinct et la puissance agressive qui avaient fait briller les formations désormais légendaires (Chaos Z, Hass, Toxoplasma, Boskops, vous connaissez la litanie à présent) avec ce son de guitare grave et éthéré à la fois qui prend aux tripes à coup sûr.
Mais loin de trouver un groupe copie-carbone des grands anciens, on peut déceler ici de nombreuses influences venant enrichir les compositions, tout en puisant essentiellement dans le terreau sous-culturel allemand, exposant un savoir-faire certain et une maîtrise des classiques et des codes. En témoigne la reprise magnifiée et terriblement efficace de Telekoma, autre groupe poursuivant dans la lignée 80er sans pourtant être issu de cette période temporelle. Si les rythmes de batterie et la basse sont bien dans l'orthodoxie, il en va tout autrement pour les guitares. Englobantes, stridentes par moment, urgentes, planantes le travail d'ambiance est assez fou, les différentes couches et sous-couches amenant la véritable plus-value. On en voudrait plus tout simplement.
Pour le chant on se retrouvera par contre avec des voix gutturales plus proches des formations Oi! voire streetpunk bas-du-front, à l'image de Loikamie, Krawallbrüder ou Berliner Weisse (vous connaissez aussi la litanie), influences dont la formation ne semble pas rougir sans pour autant trop les mettre en avant. Si sur le papier le mélange semble indigeste, ici cela passe tout naturellement et ce décalage confère une identité, une couleur intéressante, démarquant les pistes du flot commun. Le grain bileux, rauque, les chœurs, toutes les ficelles sont bien exploitées et pour peu que cela vous parle, l'ambiance poisseuse, transpirante et ouvrière n'en sera que plus efficace.
Fidélité à une façon de faire, mais aussi une façon de penser la musique a minima, ou même la vie au plus large. Bien que relativement apolitique, le propos n'en reste pas moins punk, somme toute énervé et rentre-dedans, flirtant avec la proll Oi des plus crades. La vie est de la merde, les autres font chier, alors autant se saouler jusqu'à en vomir. La bière est votre amie pour oublier ce monde de merde en somme. Un propos qui ne prend aucun gant, discutable bien sûr, pas constructif évidemment, mais jouissif par moment ! Une approche très allemande, très deutschpunk de cité, exprimée à merveille sur cette pochette et ce jusque dans le détail du logo UFTA (les vrais savent). Mais justement c'est ça, qui fait tout l'intérêt du truc !
Au final, une grosse, grosse claque dans la gueule, histoire de commencer 2021 avec au moins quelque chose de bon dans les esgourdes. Bref, la formation de Dresde est à suivre !
Peut-on considérer une œuvre indépendamment du contexte de sa création ? Épineuse question vous en conviendrez et dont vous n'aurez probablement pas de réponse une et définitive de votre vivant pour peu que vous vous la posiez. Mais vous êtes des personnes d'esprit puisque vous êtes restés après cette accroche, et comme vous êtes perspicaces, vous vous doutez bien qu'on ne va pas jouer à l’exégèse et aux commentaires d'un texte ancien quelconque, mais bien d'un bon vieil album, raffinage 22 ans d'âge. Summoning et moi c'est une longue histoire, une sombre histoire liée à deux femmes bien différentes et fort semblables que je vous garde pour une autre fois, et de nombreux rendez-vous ratés jusqu'à ce que par un détour inattendu ils reviennent vers moi et qu'on rattrape enfin le temps perdu. D'où cet article, fruit de mes réflexions à l'écoute plus que régulière ces derniers temps qui j'espère apportera un angle légèrement différent de celui des autres innombrables pavés leur étant dédié sur la chroniquosphère.
Pour ceux qui viendraient d'autres horizons que les sombres eaux du black metal, il peut être utile de faire une brève présentation du duo légendaire dans le milieu qu'est Summoning, du moins différente de celle de Wikipedia.
A l'origine Summoning était un trio de teenagers versés dans le hard rock et ses dérivés liés au suicide sous assistance du grunge, populaires auprès des mâles hétéros cis-genres non-colorés de cette frange temporelle située entre 1992 et 1995. Le thrash finissant/death commençant son règne international de courte durée après le pour Protector et le prolongement doomesque de ce bon vieux heavy brittanico-germanique pour Silenius. Mais malgré l'errance propre aux premiers groupes allant dans ce sens, ils se convertirent à la nouvelle mode de l'époque dans les milieux undergrounds du metal, tout droit venue de Norvège. Pour mémo Kurt Cobain meurt en 1994, Varg Vikernes a son procès à Oslo, tout les albums de death metal cultes ou presque sont déjà sortis
depuis un ou deux au minimum et l'Autriche n'a toujours pas intégré
l'Union Européenne, en faisant le dernier ersatz de terre germanophone
bien conservatrice malgré les incartades folles de ce maestro qu'était
Falco. Alors qu'ils tâtonnaient encore, surfant sur les thèmes éculés, mort/Satan/vikings (d'où leur nom, relique de cette époque primitive), l'un d'eux se mit à lire un auteur réputé hautement ésotérique et trop evil, ce bon vieux Jéreureu Tolkien, qu'ils eurent la bonne idée d'associer à ce son naissant. Le trio devenu bien vite duo sortit dans la foulée un album aujourd'hui disputé par les fans et eux-mêmes, 'Lugburz', petit succès chez les metalleux locaux, suivi du terrible 'Minas Morgul', du pas terrible 'Dol Guldur' et d'un court EP, attirant l'oreille de labels de plus en plus gros, culminant avec Napalm Records.Voilà pour le contexte du groupe.
Il est de même très intéressant de noter l'aspect exotique qu'a pu avoir Tolkien pour le microcosme pré et paléo-Internet autrichien -et
germanique en général- dans l'escapade proposée par Summoning. Certes il y a
les vagabondages de par Arda, mais il y aussi cet aspect anglais et
ancien, encore renforcé par l'usage de deux textes datés sur 'The glory disappears' et 'The loud music of the Sky',
bien éloigné du quotidien des Autrichiens, surtout de cette période
sans globalisation. La patrie des Habsbourgs étant réellement éloignée
du monde anglo-saxon, particulièrement suite à son isolement contraint
lors de la guerre froide, Summoning fait le pari de l'ambiance, jusque dans cette pochette tirée d'un tableau de John Martin, peintre romantique anglais du XIXème spécialisé dans les scènes paysagères aux couleurs tortueuses, éthérées et crépusculaires d'inspiration mythologique ou historicisante. Le dépaysement proposé est donc d'une triple nature. Triple car l'auditeur d'alors se retrouve projeté dans un monde fantastique, dans une culture d'un autre temps et d'un autre lieu, mais aussi avec une mise en abîme plus large, dans l'évasion d'un quotidien pouvant être ennuyeux ou étouffant, avec une immersion sonore tout simplement, comme une parenthèse dans un Ailleurs fugace.
Le duo joue toujours à plein la carte du synthé, créateur d'ambiance se voulant médievaliasantes mais trahissant une conception très 90s de l'electronica ambiant tout en remettant plus en avant la guitare, dont les tremolos droits sortis des heures primaires du magma norvégien initial ne pourront que saisir et prendre aux tripes, réveillant les sentiments des premières immersions dans ces scènes si particulières. En somme on retrouve ce son world-electro diffus puisant dans la naissante darkwave tout au long des '90s que les membres du duo pratiquent dans leur projets parallèles comme Die Verbrannten Kinder Evas ou Kreuzweg Ost de façon quasi-identique. Vous savez, ce son dont Enigma fut le paroxysme mercantilisé grand public, s'étant infiltré jusque dans cette bonne vieille pop française d'alors qui ne se privait pas d'y recourir (Mylène oui, on parle de toi), mais accolé ici à 'Dark Medieval Times', Enslaved première époque et consorts. La piste d'exposition, 'Rhûn', vous plonge directement dans le bain avec son rythme martial impeccable et ses cors lourds et pompeux, fatigués de leur existence que l'on imagine longue. Les éléments à proprement parler BM entrent naturellement, de façon scénique et large, s'articulant en complémentarité avec les sonorités plus artificielles. L'aspect boîte à rythme mécanisée et froide est ici plus à propos que ne l'aurait été une batterie organique, marquant le pas, une distance, prolongeant l'impression d'altérité tandis que les riffs presqu'en retrait vous hanteront de par leur maestria nébuleuse (le brouillard ça c'est black metal, vous pouvez rien faire). Les mélodies de 'The Glory disappear', 'The Rotting Horse on the Deadly Ground' ou 'The Shadow Lies Frozen on the Hills' ne vous quitteront jamais si vous leur ouvrez vos tympans, garanti.
La recette n'est pourtant pas inédite, loin de là. D'autres formations contemporaines scandinaves avaient tenté l'expérience avec peu, voire aucune légèreté, aucun effet de volume et d'espace. La parfaite illustration de ce que Summoning a évité comme écueil peut trouver contre-exemple le premier Finntroll, 'Midnattens Widunder' sorti la même année, beaucoup, beaucoup plus balourd, trollesque, sans raffinement et ce même pour les pistes les moins hummpa. Alors oui même sur 'Stronghold' , tout n'est pas parfait, on peut retrouver certains traits de cette façon de jouer commune à l'époque. Il reste quelques airs champêtres de chasse à la pâquerette ou à l'edelweiss (humour) comme sur 'Dol Guldur', tirant plus vers les ritournelles volksmusik de fête à la saucisse, mais ça reste bien plus discret que chez les groupes-étrons à clavier "kvlts" comme Dimmu, Cradle... bref ces trucs-là... mais ils ne dérangent que peu l'expérience. Le synthé est un maître exigeant et il est peu évident à manier, son aspect daté et cheap, presque forcé contribue rétrospectivement aujourd'hui à un voyage absyssal dans un passé musical récent, lorgnant sur des thèmes d'un autre passé plus distant. Bien entendu, les compositions sont simplissimes, se déroulant de façon entendue le plus clair du temps, sans surprendre mais tel n'est pas le but de la recette Summoning qui est là pour poser les choses, poser le décorum d'une réflexion moins futile qu'il n'y parait. L'ultime piste, 'A Distant Flame Before the Sun', inquiétante, Ragnarok lunaire et mortifère de cette galette, dans son développement aussi lancinant que l'Anduin ou le Rhin des Nibelungen en est l'expression la plus flagrante.
Au niveau du fond, on peut de prime abord s'étonner de cette association entre les écrits fantasmagoriques d'un auteur britannique résolument catholique (ce qui n'est déjà pas très commun) et celles musicales, nourries au sous-satanisme plus ou moins hollywoodien, de deux jeunes metalleux autrichiens. Mais à y voir de plus près, bien que le but du premier et des seconds à leurs débuts divergent totalement, l'un nous décrivant la victoire d'un Bien malmené contre un Mal écrasant, les autres se plaçant résolument du côté maléfique de l'échiquier pour l'aspect choquant et puissant, on peut y voir une certaine confluence. Les seconds se sont nourris des visions lugubres de la part sombre du premier à leurs débuts, avant de relativiser leur propos dans la suite de leur discographie et de n'en garder qu'une esthétique décharnée quasi romantique. Mais en conservant toujours une perspective sombre et morbide, parce que black metal hein, quand même. Ce qui fait l'intérêt particulier de 'Stronghold', c'est qu'il est le premier LP à se démarquer de cette fascination quelque peu puérile envers le Mal, incarné par les forteresses de Sauron (Dol Guldur) ou de ses sbires zélés tout de noir vêtus (Minas Morgul), pour placer l'éventualité d'un possible plus large, avec ce titre plus neutre de "Bastion",pouvant tant renvoyer aux fortifications précédemment citées qu'à Minas Tirith, Edoras, ou celles des autres races du legendarium, voire dans notre monde à cette impression anxiogène ou élitiste qu'affectionne le black metal en général : être les derniers des purs dans un monde d'impur, musicalement ou plus largement culturellement (vous choisirez quelle version de cette vision de combat vous sied au mieux). Un choix significatif, implicite ou non, qui se plus fera prégnant dans la direction ultérieure de leur discographie privilégiant le côté atmo et narratif et délaissant violence et noirceur initiales du projet.
Le propos reste noirâtre, morbide ou mélancolique selon les morceaux. Le temps qui passe, les errances, la souvenance y occupent une place bien plus importante que le fracas des batailles. La peine y est bien présente, plus que la mort, approchée comme un absolu, une contemplation de la décadence du vivant plutôt que comme une fin en soi. Les étoiles, fréquemment citées, guident le voyage où une seule et unique mention directe à Tolkien est à noter, Morgoth, détachant totalement le texte et les pistes du legendarium, ce dernier ne servant que de devanture, de glaçage, à un propos que l'on découvre surprenamment plus intimiste et personnel que l'image de marque du duo ne le laissait supposer.
Le chant écorché se fait parfois plus clair, moins raw, pour mieux accompagner ce changement, avec une réverbe profonde accentuant l'aspect montagneux (les Alpes ? Les Monts Brumeux ?) de l'ensemble, détaché du temps, comme un écho ancien perdu entre les vallées. Parfois encore teintée de ce craché bileux black old school ('The glory disappears'), il se fait plus émotif, perdu, donnant une nouvelle dimension, trahissant une souffrance mélancolique quand il le faut ('Like Some Snow-white Marble Eyes'). Et puis il y a cette voix féminine aux faux airs d'opéra sur 'Where hope and daylight die', inattendue, grandiloquente que l'on imagine celle d'un spectre vêtu de noir meurtri par la mort lointaine d'un amour ancien, reclus dans une quelconque place forte veillant sur la mère-Danube. Fantomatique, Tania Borsky réussit un exercice difficile. Tarja et ses copines à coffre n'ont jamais eu mes faveurs, c'est pour vous dire le remarquable travail d'immersion pour arriver à faire passer ça.
Au final, peut-on détacher Summoning de Tolkien ? Ma foi, oui, car la force du duo réside avant tout dans une mélodicité irréprochable doublée d'un désir d'expérimentation savamment cadré ouvrant la voie à une recette qui par la suite va perdre en superbe et inspirer toute une vague éculée, prétexte uniquement à l'évasion. Dans tous les degrés qu'elle comporte.
Recommandé : tout mais les hammer-hits sont :
- 'Rhûn'
- 'Long lost to where no pathway goes'
- 'The glory disappears', le chef d’œuvre de la galette
- 'The Rotting Horse on the Deadly Ground' pour son riff hanté
Tiens, tiens, wer ist wieder da ? Et oui, Richter qui sort de sa grotte en préfa, tel un chroniqueur de black metal melo en pleine insécurité sans chaîne Youtube (ni jean sur la tête). C'était une aprem crasseuse comme tant d'autres, dans mon autre vie, celle où j'étais occupé et où je n'avais pas le temps d'alimenter ce blog miteux, je m'en souviens bien. Bien calé le cul sur les strapontins de la RATP qui ont vu des millions de culs avant le mien, le nez dans mon smartphone capitaliste déjà trop vieux, entouré de personnes à fond dans les cultures urbaines, street, chiques et décalées, ultra-globalisées et de quelques poivreaux, c'est là que s'afficha la nouvelle. Kotzreiz revient ! Mon visage blâfard s'anima alors d'un vieux feu, celui d'un autre lieu, d'un autre temps et me renvinrent en tête par rafale les images du passé. Alors les têtes pleines d'eau de la ligne 10 s'écartèrent de moi et me laissèrent passer lors de la descente, comme on laisse passer un fantôme.
Car là c'était du sérieux, on parle de Kotzreiz, pas n'importe quel groupe avec pas n'importe quelle ascendance dans la punkerei d'Outre-Rhin ! A l'image d'un autre groupe de province, Kotzreiz est né il y a une bonne treizaine d'années de la collaboration en projet parrallèle de Kotze -Vomi, la classe, ça c'est punk comme pseudo dis donc- guitariste de 200 Sachen, formation de pop à tendance vaguement punkisante fort sympathique menée par la pétillante et sémillante Kata Stroffe que j'avais vraiment kiffé en 2006 (urghhh putain...) et du batteur Reiz officiant, lui, avec l'autre groupe à chanteuse germanophone à jamais dans mon coeur, Jennifer Rostock. Du bon pédigré donc, mais qui en avait peut-être sa claque de faire office de PNJ derrière ces deux écrasantes personnalités vocales, de la subtilité et des sentiments sur riffs ultra-efficaces dans cet entre-deux éternel entre punk et pop. On comprendra leur envie de bruitisme primaire et acide dans leurs à-côtés du dimanche. Affublés d'un copain bassiste, ils sortirent en 2010 leur premier brûlot destructeur à la formule ramones dopé au vieux deutschpunk bien rentre-dedans, 'Du machst die Stadt kaputt'. Succès immédiat dans le petit milieu des rédacteurs de fanzine berlinois en manque de trve, mais à mon sens c'est vraiment leur second opus 'Punk bleibt Punk' qui a sauvé le deutschpunk de la stagnation, qui finit malheureusement tout de même par arriver courant 2016. PbP c'était la claque que tout le monde méritait, parfaitement raw et aigri, quasi-indépassable ! Difficile de succéder à ce chef d’œuvre galactique donc. Le trio sans doute happé ailleurs a donc pris son temps (huit putain d'années) avant d'oser montrer leur bout de leur nez.
Kotzreiz ayant laissé la scène récente aux Alarmasignal, Pascow et autres Missstand se permet le luxe de faire évoluer leur son durant le silence médiatique, se démarquant de ces derniers et du reste des formations plus jeunes et obscures en s'assagissant. D'emblée le constat est là : un air de Clash flotte désormais sur l'ensemble de la galette, influence assumée et recherchée, en quelque sorte l'un des débouchés naturels de l'évolution d'un groupe de punk en mal de renouvellement. Là où on pouvait craindre au vu du morceau éponyme un soufflet dégonflé, comme les Clash, il n'en est rien et les petits ajouts résolument rocks amènent une fraîcheur relative. La composition tend à se faire moins minimaliste, ajoutant des soli bluesys vraiment sympas, parfois des essais plus expérimentaux (l'électropunk de dance-floor à nouveau sur 'Toilettenstern' et 'Der räudige Aal' ou le double rythme sur la fin d' 'Ich bin ein Wrack') mais les fondamentaux sont toujours présents et l’exécution est d'une maîtrise totale tant au niveau du flow que des instrus au millimètre et difficilement criticables. Une sérieuse impression de deux temps d'écriture se dégage de l'ensemble tant une moitié de morceaux est dans la lignée droite de PbP ('Wer ist wieder da', 'Eiskalten Ohren', 'Ich bin ein Wrack','Ratten im System' datant lui de 2015, avec son inquiétante ambiance de décrépitude pré-apocalyptique) alors que les autres qu'on imagine plus tardifs sont dans cette optique de relative ouverture. L'aspect compilation de deux EPs a un rendu inégal mais on passera car en soit les morceaux sont bien pensés, à l'exception du très dispensable 'Sambuca Beach' et de son riff surf totalement cliché.
Au niveau du chant, là aussi on s'assagit même si ça gueule toujours bien, surtout sur 'Ratten'. Plus mélodique et parfois un poil mélancolique, le chant se fait moins abrasif dans l'ensemble. On notera la présence de deux guests féminines amenant de la variété (comme quoi, on retourne toujours aux bases hein) et que je n'ai malheureusement pas pu identifier. Même si au timbre la voix de 'Der räudige Aal' fait furieusement penser à celle Kata Stroffe. Les paroles s'éloignent quelque peu des incisions à vif des opus précédents et un certain recul mélancolique sur le monde, la vie, les amis et les amours poind. Kotzreiz clamaient qu'ils ne chantaient pas sur ces thèmes, c'est bien fini ! Les réflexions alcoolo-philosophiques ont donné leur noms à l'album mais à mon sens c'est bien l'amour qui transpire de la majorité des morceaux, à côté ou parfois mélangés à un aspect plus sociétal. Amour pour la scène, toujours, pour les autres, parfois, amour dans les chiottes avec un(e) inconnu(e), pourquoi pas. Le point culminant de la galette étant le magnifiquement émotionnel 'Punkboys don't cry' tout en nuances. Ok, cela ne vaut pas pour 'Eiskalte Ohren' dont le message d'un engagement rare peut se résumer à "On se les pêle bordel !". Goethe n'a qu'a bien se tenir.
Au final, huit ans c'est long et le monde a eu le temps de changer largement, Kotzreiz compris. Loin de sortir une galette impérissable comme la précédente, le trio berlinois signe tout de même un album de très bonne facture qui a tourné plusieurs mois dans mes playlists personnelles. Malgré une fin très abrupte, totalement recommandé !