(2021)
Comme le dit l'adage, tout le monde a des problèmes. Si, si. Vous, moi, les grands de ce monde, les chiens, les chats, tout le monde qu'on vous dit. Alors que l'on pourrait trouver cela dommage au premier abord, peut-être ne saisissons-nous pas notre chance tout simplement. Car sans problèmes, c'est la félicité béate et immobile, l'ennui et la stagnation, ni plus ni moins. Alors oui, les problèmes font chier, bien évidemment, mais ils font que les choses bougent. Ils foutent les nerfs et nous poussent à agir, à réfléchir, à brailler et parfois à monter un groupe de punk (vous l'aviez pas venu venir celle-la hein). Relativement jeune formation de Leipzig, Piefke est un de ces "bébés-bandcamp" que l'on saura apprécier pour son rapport direct entre eux et l'auditeur. C'est toujours un plaisir de couper le quotidien avec une veille bibliographique deutschpunk, et tomber au détour d'un clic sur ce genre de petites formations en devenir (ou non). Et cette fois-ci ce qui a fait mouche, c'est cette couverture qui malgré un certain style graphique assez cartoonesque n'en possède pas moins des relents d'une vie bien prolo au milieu de ces charmants HLM à l'allemande, différents des français à matrice communiste et "vite, vite, faut que je rapatrie des millions d'ex-coloniaux avant de la fin de l'année". En Allemagne on reste sur du bon reliquat collectiviste national-socialiste, ploutocrate, méprisant, avec du béton sans pitié et des murs de plus de 3 mètres d'épaisseur des fois que le pays se fasse bomber. Mais on est pas sur un blog d'architecture, donc passons au cœur du sujet, première à droite, oui c'est refait à neuf ici.
Musicalement toutes les cases du cahier des charges sont remplies, rien à dire. Malgré un mid-tempo omniprésent ou certains poncifs classiquement éculés, le tout est bien amené et quelques saillies intelligentes viendront éclairer un album convenu. Convenu, oui c'est bien le mot. Ce n'est pas innovant, ce n'est de loin pas mauvais, non, non, c'est un album "solide" à n'en pas douter, avec quelques moments de punch bien sentis. Les roulements, les cassures rythmiques, les lignes secondaires de gratte, une basse un peu ronde et craquante, tout y est, même le petit solo rock'n'roll. Prenez note et appliquez si vous voulez sortir votre premier LP, franchement. Mais pour ceux d'entre vous qui aurait connu la vague française officiant en anglais à accent parisien du début des années 2000 (Burning Heads, c'est vous, oui), ça vous fera certainement bizarre, très bizarre même, de retrouver cette façon de faire mais avec quelques ajustements aux scènes allemandes. Difficile de ne pas sentir sur l'intro de 'Satellitenstadt' l'influence du premier Abwärts, ou bien un parfum de the Lost Lyrics ou encore Supernichts, Kasa, Thanheiser ou même Kann Ich Mit Leben. Bref que des groupes de seconde zone de l'époque, l'underground de l'underground, ni trop mélo, ni trop hardcore, du genre qu'on invoque pas souvent malgré leurs mérites. Personnellement je n'ai jamais vu ça et je dois bien avouer ma perplexité initiale, car typiquement ce punk rock franchouillard américanisé était si insipide qu'il a contribué à me jeter éperdument dans les productions d'Outre-Rhin. C'est précisément pourtant ce mélange inattendu qui a retenu mon attention et paradoxalement m'a donné l'envie de vous en parler ici (une petite larme pour les 5 personnes qui liront au maximum ces lignes, toussa, toussa).
Le chant rudement bien mené, impeccable, avec un timbre de voix ni trop mélodique, ni trop agressif, parfait pour ce genre de compos, nous est délivré avec une régularité à respecter. Les chœurs, eux aussi sont usés avec une parcimonie avisée, toujours au bon moment, sur la bonne montée en intensité de la batterie. Les leçons en efficacité ont été bien retenues là aussi. Rien ne dépasse, tout est carré, les lignes mélodiques du chant se conjuguent parfaitement avec le reste. Les textes sont variés et touchent à des thèmes universels et très contemporains dans notre monde globalisé. Le groupe d'ailleurs nous indique clairement comment situer ses textes et sur quels thèmes : la gentrification, la guerre, l’État envahissant et la répression, l’égoïsme, le "populisme", le racisme, on a droit à un véritable panorama du "Pourquoi et comment la société c'est de la merde man". Alors que cela pourrait sonner creux, un esprit à l'ancienne, ne voulant pas fermer les yeux sur certaines réalités et une bonne dose de sarcasme permettent de faire vivre l'ensemble. Une attitude à saluer, ce retour aux sources du deutschpunk est franchement bienvenue après près de 23 années de noyautage du punk par les milices à drapeau rouge sur noir, financées par on ne sait qui, pour on ne sait quel idéal, mais certainement pas pour l'Anarchie ou le No Future prônées initialement par la frange la plus pionnière du "mouvement".
Au final, un peu comme the Slits en son temps, le propos est intelligent, il n'y a rien à dire sur le plan technique mais pourtant à la première écoute le tout sonne quelque peu plat et écouté plus de 10 000 fois, malgré des pointes de fulgurance jouissives qui sauront vous retenir si vous leur laissez une seconde chance. Rien de revolutionär donc mais un bon album cependant pour ceux qui seraient intéressés par un album de veine traditionnelle, obédience fin 90er-début 00er (même si le groupe se réclame de l'esprit des années 80), dans un trip archéologico-nostalgique. Je n'oserais pas vous dire, "album solide, quelques moments de bravoure mais cette galette souffre de quelques...", non je n'oserais pas, on est pas aux Inrâucks ou chez Téléaroma ici hein.
https://piefke.bandcamp.com/album/probleme
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