samedi 25 juillet 2020

NEUN LEBEN - FLIEHENDE STÜRMEN

(2019)


Les chats sont des êtres facétieux, les Internets ne le savent que trop bien, 'faites pas semblant. En Allemagne comme ailleurs sur le continent ils n'ont que sept vies, et non neuf comme chez les Brexiteurs et leurs descendants coloniaux, mais ça aurait eu l'air nettement plus con d'intituler un album de neuf pistes 'Sieben Leben' non ?  Passé ce détail technique, cette pochette rouge sang (presque le même que celui présent sur   la discographie complète de Chaos Z, seulement un peu édulcoré par le passage du temps) trahit l'esprit de la présente galette de façon assez juste. Bien qu'ayant l'air inoffensive à présent, petite, et fantomatique, la bête est méfiante et reste prête à se défendre.

  Fliehende Stürme, prolongement dépressif et mélancolique du mythique Chaos Z est une de ces formations fugaces mais toujours présentes dans les à-côtés du paysage culturel deutschpunk, comme un oncle qu'on a aimé et admiré enfant, qui aurait voyagé très loin, et dont on a que sporadiquement des nouvelles, par-delà une autre rive. Cette autre rive pourrait être le Styx pour FS, dont seul le chanteur et fondateur reste de ce monde actuellement.

  Au niveau des influences rien de bien neuf, la recette est toujours la même. On reste dans la droite lignée de ce qu'a pu produire l'Allemagne dans les années 1980  (Razzia, Torpedo Moskau, Die Strafe, peut-être même Alphaville et leurs copains vous savez), passée la tornade figée Killing Joke/Joy Division. Non, ce qui frappe ici c'est plus l'exécution, froide, si froide, maitrisée, dont la chaleur parfois approchée ne s'avère être qu'une illusion, un reste de deutschpunk passé à la moulinette dark wave.

  Riches et uniques, les morceaux s'enchainent sans se ressembler, depuis l'entrée magistrale 'Die Königin darf nicht fallen' et son refrain glaçant, jusqu'à 'Kreigskindruh' et son tempo lent, habillé d'un orgue funéraire quasi-chrétien, en passant par le très dur 'Puppen' ou le plus électro 'Sensation'. Les ambiances défilent, comme autant de vies, autant de moments du passé, autant de vies parallèles et ratées que l'on contemplerait le long du train de l'existence, avec pour dénominateur commun une batterie carrée et martiale, indus ou street-punk fainéant et surtout une basse ronde omniprésente, englobante, presque réconfortante -ces lignes de basse putain !-. 
 Peu dans les habitudes éditoriales de ce blog piteux quasi décédé, le clavier est ici plutôt bien manié et viendra à la manière d'un Flake habilement habiller le reste le plus clair du temps (un peu long peut-être sur 'Sensation', mais c'est du pinaillage). Il est un complément essentiel de la guitare, loin d'être centrale, et se voit offrir quelques solis gentillement mélancoliques, qui ne convainquent pas totalement cependant sur 'Innenstadt' ou 'Jetzt'. Si Indochine, que je soupçonne d'avoir lorgné plus d'une fois sur FS, avait vraiment eu une once de rébellion en eux, ils auraient sonné comme Fliehende Stürme, définitivement.

  Les textes sont déclamés par l'inébranlable Andreas Löhr avec cette voix d'Outre-Tombe unique, si calme, quasi éternelle, ne retrouvant sa haine lancinante du monde que dans de brefs moments qui font mouche et mal à la fois ('Innenstadt'). Ils sont sombres et froids, comme un ancien complexe sidérurgique en friche. L'espoir n'est pas de mise, car il est illusoire ('Es wird nie mehr sein ,wie es ein mal war'). On peut bien se mettre en colère ('Das Bild', avec son chant vraiment punk), on peut bien regretter une éphémère et douce chaleur de jadis, ce ne sont que des illusions. Ne reste que le souvenir et le regret ('Industrie'). Si la vie n'a aucun sens, il n'est cependant pas nécessaire d'accepter les carcans de notre monde capitaliste, qui finalement ne font que rendre plus saillant ce fait de par leur absurdité. Alors, romantique oui, comme une usine désaffectée d'où tomberait encore de quelconques symboles communistes rouillés et défaits par le temps, vanité pure et froide de ce monde mécanisé et malveillant. Pas comme le romanticisme à chier de Hollywood.

  Au final, la vie est faite de plusieurs vies, mais aucune ne s'efface totalement, et c'est en puisant dans sa riche discographie mais aussi son histoire quasi-tragique que Fliehende Stürme parvient encore à surprendre et à accrocher avec cette galette crépusculaire par moments, désabusée et emplie de fureur intériorisée. Les maîtres d'un genre qu'ils ont créé et qui mourra avec eux.




Recommandé :
- 'Industrie'
- 'Sensation'
- 'Die Königin darf nicht fallen'
- 'Das Bild'
- Entstehen und Verschwinden'


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