vendredi 26 février 2021

SCHLEIM IS NOT DEAD - SCHLEIM

 (2020)

 Ayant vraiment été marqué par leur première galette il y a 8 ans -et je dois pas être le seul puisque c'est ma critique la plus lue depuis au moins 6 ans !-, Schleim revenait sans cesse comme un de ces groupes mi-parodiques mi-concept et quelque part une suite semblait logique. Génial à plus d'un titre, 'Deutschpunk muss sterben' n'aurait su avoir une suite juste passable. État des lieux de cette sortie inespérée qui se devait de figurer ici.

  Fondamentalement l'obscure formation virtuelle de Leipzig ne change pas sa recette. Le mystère reste tout d'abord entier sur leur identité. Side-project ? Groupe fictif ? Trentenaires à cravates en mal d'agressivité ou dernier bastion du vrai deutschpunk ? Nul ne sait. Seuls points indiscutables, ces mecs connaissent leur punk et leur deutschpunk sur le bout des doigts et avec eux le respect est mort, enterré, puis profané, et enfin balancé dans une décharge sauvage. Élargissant leur champ de désacralisation, ils vont cette fois-ci s'en prendre à des formations assez récentes comme Feine Sahne Fischfilet ou Alarmsignal, au point où c'est à se demander si ce n'est pas une forme de reconnaissance, ou investiguer quelques classiques du hardcore allemand comme Canal Terror voire ricain à l'image de Reagan Youth, également au tableau de chasse.
 
 Musicalement la réalisation est toujours très agréable et rien ne change. Toujours le même son de batterie programmée, toujours les mêmes guitares parfois accompagnées de petits effets forts sympathiques, toujours la même efficacité. Le premier morceau 'Nie wieder deutschpunk' envoie le steack directement avec une compo quasi-parfaite, punk, célère, directe mais non dénuée de passades déstabilisantes et accrocheuses. Schleim montre qu'ils sont en forme et prêts à en mettre plein les oreilles. Le chant est toujours parfait dans son genre, aigri, abusif, avec un débit parfois impressionnant, à faire pâlir plus d'un rappeur du dimanche sur certains passages. C'est aussi avec un plaisir non dissimulé que l'on retrouve lors d'intermèdes avant 'Gras' et sur 'Hermesbotes Skit' les personnages parodiques du "méchant Bulle" et de "l'idiot", qui me font toujours rire, encore plus quand le flic s'en prend à Kotzreiz ou Jennifer Rostock, "typische berliner hipster Scheisse" carrément.

  Les textes sont donc toujours acerbes, aigris, tapent là où ça fait vraiment mal. Premières phrases : "Schleim ist back - Rättätättättät Ich bin nicht Fatoni, doch die Rhymes sind ganz nett", la messe est dite. Mais le propos s'il reste volontairement destructeur et outrancier avec tout son fatras pro-drogues, le plus souvent cruel, animé de la pire volonté de calomnie, à coups d'histoires scabreuses, sales, méchantes comme seuls le plus mauvais esprits de petits villages se complaisent à en imaginer, on peut pour autant en rire et la critique parfois masque une sensibilité (dés)abusée par la vie et les autres humains.

  Deux morceaux illustrent très bien ces prismes de lecture opposés. Le premier, la reprise totalement irrespectueuse du 'Heart full of pride' de Perkele, 'Kopf voller Blei', est un taquet direct à toute la vieille scène Oi! apolitique, scotchante par la volonté de dégrader qu'elle dégage même si elle avance les mêmes sempiternels arguments. La seconde, l'autre pépite de l'album 'Mitten im Leben', se montre certes cruelle mais aussi presque touchante dans sa description crue et sans fards de la misère affective la plus banale. Ainsi l'ennui, la médiocrité de la vie, de certains personnages du milieu de la culture underground ('Brennende Phrasen', 'Tunnel im Ohr') viendront compléter le constat général, navrant et navré. Une petite exception cependant, 'Fick die C.o.p.s' au texte particulièrement débile et assez raté.

 Au final, tout est cliché chez Schleim. Le nom, la pochette, le titre de l'album. Mais c'est ce que l'on cherche, une outrance, un jusqu'au-boutisme qui laisse pantois à chaque fois. Pari difficile de succéder à l'opus qui avait remis les pendules à l'heure en 2013, mais pari réussi, même si ne nous leurrons pas l'impact sera moindre cette fois, l'effet de surprise ayant disparu. Un album dense, qui rappellera à qui veut l'entendre que non, les punks ne sont pas forcément des "gentils rêveurs altermondialistes".
 
 
 
Recommandé :
- 'Nie wieder deutschpunk' R.I.P. Schleim
- 'Mitten im Leben', R.I.P. Dritte Whal
- 'Tunnel im Ohr' R.I.P Billy Idol
- 'Moshpit' R.I.P. Ramones
- 'Vegan Youth' R.I.P. Reagan Youth

 Note : Vous remarquerez que la vidéo est hébergée par la chaîne d'Endlich Schlechte Musik, autre groupe relativement récent , vraiment recommandé si vous aimez les textes en allemand !

mardi 23 février 2021

SCHILLERNDE SINFONIEN IN UFTA DUR - SPERMÜLL HEINZELMÄNNCHEN

 (2020)

Parlons peu, parlons bien. 10 min 40 pour un EP de 5 pistes et un intermède plein de bons sentiments et d'accords soyeux. Ça suffit, pas besoin de plus, parfois il faut aller droit au but.

 On commence directement par un titre au raffinement tout relatif mais tellement efficace. 'Ich muss kacken' vous remet droit dans la tête ce qui a fait les scènes de la Bundesrepublik du mitan des années 80 : l'incompromission, l'instinct et la puissance agressive qui avaient fait briller les formations désormais légendaires (Chaos Z, Hass, Toxoplasma, Boskops, vous connaissez la litanie à présent) avec ce son de guitare grave et éthéré à la fois qui prend aux tripes à coup sûr. 

Mais loin de trouver un groupe copie-carbone des grands anciens, on peut déceler ici de nombreuses influences venant enrichir les compositions, tout en puisant essentiellement dans le terreau sous-culturel allemand, exposant un savoir-faire certain et une maîtrise des classiques et des codes. En témoigne la reprise magnifiée et terriblement efficace de Telekoma, autre groupe poursuivant dans la lignée 80er sans pourtant être issu de cette période temporelle.  Si les rythmes de batterie et la basse sont bien dans l'orthodoxie, il en va tout autrement pour les guitares. Englobantes, stridentes par moment, urgentes, planantes le travail d'ambiance est assez fou, les différentes couches et sous-couches amenant la véritable plus-value. On en voudrait plus tout simplement.

Pour le chant on se retrouvera par contre avec des voix gutturales plus proches des formations Oi! voire streetpunk bas-du-front, à l'image de Loikamie, Krawallbrüder ou Berliner Weisse (vous connaissez aussi la litanie), influences dont la formation ne semble pas rougir sans pour autant trop les mettre en avant. Si sur le papier le mélange semble indigeste, ici cela passe tout naturellement et ce décalage confère une identité, une couleur intéressante, démarquant les pistes du flot commun.  Le grain bileux, rauque, les chœurs, toutes les ficelles sont bien exploitées et pour peu que cela vous parle, l'ambiance poisseuse, transpirante et ouvrière n'en sera que plus efficace.

Fidélité à une façon de faire, mais aussi une façon de penser la musique a minima, ou même la vie au plus large. Bien que relativement apolitique, le propos n'en reste pas moins punk, somme toute énervé et rentre-dedans, flirtant avec la proll Oi des plus crades. La vie est de la merde, les autres font chier, alors autant se saouler jusqu'à en vomir. La bière est votre amie pour oublier ce monde de merde en somme. Un propos qui ne prend aucun gant, discutable bien sûr, pas constructif évidemment, mais jouissif par moment !  Une approche très allemande, très deutschpunk de cité, exprimée à merveille sur cette pochette et ce jusque dans le détail du logo UFTA (les vrais savent). Mais justement c'est ça, qui fait tout l'intérêt du truc !

Au final, une grosse, grosse claque dans la gueule, histoire de commencer 2021 avec au moins quelque chose de bon dans les esgourdes. Bref, la formation de Dresde est à suivre !
 


https://sperrmuellheinzelmaennchen.bandcamp.com/releases

 Recommandé plus particulièrement:
- Dein Projekt ist mir scheissegal (LE morceau à mettre en avant !)
- Ich muss kacken 
- Neues Bier am Tisch

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