mardi 15 mars 2016

ZEITEN ÄNDERN SICH - S.I.K.

(2002)


  Revenons aux sources du mal si vous le voulez bien. Ordinairement les labels sont des entités volontiers laissées de côté sur richtermusik.com, mais il convient bien d'en signaler à l'occasion certains qui ont servi de véritables piliers à tout un pan de subculture. Qui n'a pas frémi en lisant les noms d'Epitaph, de C.R.A.S.S. ou Fat Wreck Records ? Comme une garantie parfois le label s'impose de lui-même. En Allemagne de l'Ouest la légende du punk s'écrivit elle aussi à l'aide d'un label, décrié, adulé ou jalousé, Nix Gut Records. Et derrière Nix Gut ne se cache que S.I.K. Songez que sans S.I.K. vous n'auriez jamais eu de Betontod, de Zaunpfahl, de Ni Ju San ou encore de Wohlstankinder ! La vieille R.F.A. est donc en dette éternelle vis-à-vis de S.I.K. qui a permis à tant de groupes d'avoir enfin leur chance, nettoyant les charts de la République des vieux oripeaux nationaux rances une fois pour toute.

  Au début des années 2000, S.I.K. n'en est plus à son coup d'essai et parvient à incarner à lui seul cette fraction crasse et vindicative du deutschpunk, perpétuant un son rude, pauvre et âpre où la colère et le dégoût l'emportent le plus souvent sur le reste.  Leurs opus de 1995 et 1998, 'Vergiss es nicht!' et 'Keine Frage' avec leurs brûlots acerbes avaient déjà donné le ton et tranchaient au milieu du fatras funpunk d'alors mais il leur manquait définitivement quelque chose pour être convaincants sur la durée: la mélodicité. C'est ainsi que mon choix s'est porté sur 'Zeiten ändern sich' pour enfin rendre hommage au groupe ayant œuvré dans l'ombre pour sortir le deutschpunk de son ghetto.

 Les fans reconnaîtront immédiatement la pochette-graffiti de 'Vergiss es nicht!' recouverte d'un nouveau titre et c'est bien ainsi qu'il voir ce LP de 9 pistes. On prend le meilleur des années 90 mais un léger vent de changement apporte une touche de nouveauté rafraichissante. Un soin particulier a été apporté pour rendre moins stérile et somme toute plus agréable la formule du groupe mais sans rien renier de son passé. Les premières secondes annoncent la couleur d'emblée. Après une très courte intro presque festive, le son des guitares saturées s'invite et nous ramène à la réalité. Sur les 9 morceaux présents aucun ne présente de baisse d'énergie fatale mais aucun ne se laisse aller à un bruitisme fainéant. Tout est dans l'équilibre, et même si on retrouve ces riffs tout en accords et ces mid-tempos caractéristiques du punk continental tout du long, celà n'exclut pas de discrets emprunts que ce soit au ska ('Nachbarin'), aux ballades ('Reden') voire même aux honnis schlägers ('Halt dein Maul') ou à un certain goût pour le planant ('Soldaten') le plus souvent fourni par une guitare secondaire arrivant à point nommé sur chaque piste.

 La même logique s'applique au chant qui se fait plus flexible mais n'en oublie pas de rester bileux et écorché le plus clair du temps. La voix du dénommé Fraggle reste sale et germanique au possible mais les assauts primaires de rancœur font place à un peu plus de sensibilité.  Alors oui, on pourrait se dire vu ce qui précède que cet album est celui du début de la fin pour S.I.K. et que le groupe entame l'inévitable pente de la yuppisation putride. Ce serait oublier ce qui a toujours fait la force du punk comparé aux autres courants du rock : les textes. Toujours engagés du côté ultra de l'échiquier politique, on retrouvera quelques poncifs du genre comme la détestation de l'armée, la défiance envers les fainéants à cravate ('Reden') ou le soutien verbal aux forces progressistes du Kurdistan -toujours d'actualité malheureusement...- mais le S.I.K. se tourne également vers des thématiques plus personnelles. Toujours au travers d'une vision justement pessimiste et critique s'étalent les spectres du temps qui passe, avec ce qui change ('Zeiten', 'Freunde') et ce qui ne change pas ('Stadt'). Parfois un peu cabotin ('Nachbarin', 'Halt dein Maul') le propos reste donc essentiellement sur la ligne sérieuse, mortellement sérieuse, que le punk allemand s'était fixé dans les années 80, et ce même si un peu de sentiment s'invite au milieu de la rhétorique estampillée A cerclé.

  Au final, Nix Gut et S.I.K. qu'on le veuille ou non sont de ces noms qui ont fait le deutschpunk et incarné pour toute une génération la garantie de trouver une musique honnête, sans concessions envers le Système et désireuse de ne jamais baisser la tête même si le monde n'est qu'une poubelle à ciel ouvert les jours où on regarde le verre à moitié vide.



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