(2016)
Vous-êtes vous déjà senti en prison, attendant patiemment votre jugement, tournant en rond, les mains croisées et les membres raides, avant un combat qui se profile et qui sera votre dernier ? Avez-vous déjà connu cette sensation d'impuissance et de soumission aux éléments extérieurs ? Le fait que vous n'ayez aucune prise sur les pensées du juge et que votre funeste sort ne fait pas un pli. "Une dernière lune avant la hache de guerre", hein ? Le désespoir qui alimente une colère sourde mais vaine. Hé bien, voilà ce qui transpire de cet album, voilà ce qui le caractérise. Fin du texte, merci et euh... bon, allez pour vous, détaillons un peu plus tout de même.
Totenmond, la lune des morts, voilà un nom qui n'est pas inconnu de ceux qui auront parcouru ce blog miteux. Loin d'être un groupe récréatif, le trio puis duo du Baden-Württemberg, douce Heimat, est de l'engeance qui vient sournoisement vous prendre au cœur, qui saura patienter avant de grandir en vous et de ne plus jamais partir. Fondé comme un groupe de deutschpunk de seconde zone à la fin des années 80, s'inspirant de la matrice de cette époque (Chaos Z, Razzia, Slime, OHL, Inferno, tels étaient les dieux de ce temps-là) il a par la suite réussi à s'en extraire, incorporant des éléments novateurs en 1990, tremolos black et death, tempos doomeux. Un mélange d'influence maitrisé et rare. Spécialiste des compositions faussement simples, tout comme leurs compatriotes malfaisants d'Eisregen, c'est bien sûr avec leur album de reprises 'Auf dem Mond ein Feuer' de 2001 que votre serviteur a commencé personnellement à prêter une oreille aux sons extrêmes. 'Thronräuber' suivit et reste une référence absolue, indépassable, au point que 'Schwarz als Zweck' reste la seule reprise de metal que j'ai jamais joué devant public (après accord du groupe, super sympa au demeurant). Leur dernier effort en date, sorti il y a 6 ans de cela, ne m'avait pas plus convaincu que cela à l'époque, une première déception pour un groupe jusqu'ici parfaitement intransigeant et intransigeament parfait. Alors pourquoi en parler alors aujourd'hui ? Hé bien parce qu'il y a quelque chose à l'intérieur de cette galette, quelque chose qui accroche, et qui s'est réveillé récemment, au point de hanter mon sommeil ces dernières semaines.
Totenmond c'est avant tout une histoire de rythmes. Tribaux, ronds, bien placés sur les tomes, agressifs mais presque dansants. 'Blut auf krank', absolument génial, dans son approche tout comme 'Fort von Gott' vous le rappeleront. On retrouve ici tous les poncifs du groupe, riffs gras, passages sludges/dooms bien lents ('Kehrwoche Sommerschnee auf Golgotha'), alternant avec des parties plus frustres dans la droite ligne du vieux deutschpunk. La recette ne change pas d'un iota, mais c'est bien dans l'exercice de style que se cachent les détails de l'évolution du groupe. La fatigue apparait et certaines choses commencent à tomber à plat, notamment 'Tötet den König' et son air de foire à la saucisse sauce Hellfest, ou les passages plus atmo de 'Zu den Waffen', 'Gitköder'. Un essoufflement certain point même en toute fin d'album, culminant avec le massacre qu'est la reprise de Deep Purple (vraiment, qu'est-ce qui vous a pris ?!?), puis la piste à l'orgue, 'Die Salbung'. Une faute de goût sérieuse, un point final de carrière particulièrement raté qui est à mettre en balance avec l'excellent titre d'ouverture, tout en tension, ou les saillies deutschpunk résurgentes. Le cliché rammsteinien n'est pas toujours loin ( la voix au microphone sur 'Hölle mit Hof') mais pour l'essentiel on retrouve la patte qui a fait la renommée relative de la formation.
Les paroles sont comme à l'habitude très travaillées, et oscillent entre simplicité punk, toujours dans la fidélité aux idoles d'antan, et références à de l'allemand poétique ancien, flirtant avec les poèmes des sagas païennes d'antan. Une tentation archaïsante qui vient nourrir des paroles sombres et cryptiques, que l'on devine habitées par les mauvaises consciences de la Germanie ancienne. Métaphorique, guerrier, désespéré, courageux, parfois pompeux ou abscons, le style de Totenmond reste unique et percutant. Allié de la musique, en symbiose avec elle, chacun y verra ce qu'il y voudra, et même si les attaques contre le christianisme et un certain satanisme inquiétant peuvent parfois affleurer, l'esprit de ces sombres poèmes puisent bien plus aux racines de la culture allemande et de la contestation anticaptialiste que dans les messes noires. Cela se traduit également dans le chant, pas encore guttural comme du death, déjà plus punk hormis dans son phrasé. Évidemment, Pazzer en fait des tonnes, mais il use de sa voix comme d'un instrument placé au milieu du reste, et non comme c'est souvent le cas au-dessus. L'expertise est donc toujours là et l'expérience paye, l'atmosphère d'urgence et de défiance, la noirceur mais aussi la force persistent, heureusement.
Au final, un album inégal voire assez mauvais parfois mais possédant encore assez de bravoure pour arracher quelques spasmes. Oui, une dernière braise de la machine de guerre allemande qui aura secoué son petit monde, aux confins entre deutschpunk, doom sludgy et death metal. Une dernière lune avant la condamnation et l'oubli éternel, définitivement. Merci et au revoir.
Recommandé :
- 'Die Entheilung des blasphemischen Josef und der ewige Regen', Der Regen war der Teufel.
- 'Hölle mit Hof', Chaos Z worship.
- 'Blut auf krank'
- 'Fort von Gott'
我想你. 不再和你说话是一种折磨. 再也见不到你就像慢慢死去.