(2016)
Le moins que l'on puisse dire c'est que le punk rock allemand est arrivé à un stade de maturité suffisant pour voir fleurir festivals, conscience de scène, petite autocratie virtuelle de critiques voire pire encore depuis quelques années, un sens du culte que l'on rencontrait volontiers plus dans les sombres eaux métalliques que sur les rivages de la Keuponnie. Un créneau est donc soudain tombé du Ciel pour les milliers de vieux losers stagnant en Germanie après avoir jadis sorti des albums plein de fureur et de haine contre la BRD. Au début les anciens des années 80 ou de la période de la Réunification, comme Slime ou Hass, se reformèrent dans une euphorie quasi-messianique puis vint le temps des réunions plus ou moins fructueuses des groupes cultes de ma génération. Wizo était revenu avec un opus qui avait profondément divisé et l'éternel concurrent Terrorgruppe ne pouvait pas rester en marge : la demande était trop grosse, céder à la tentation quasi-impossible.
10 ans avions nous vécu sans Terrorgruppe. Dix longues années pour votre serviteur qui a grandi autant avec eux qu'avec les Offspring ou les Ärzte, au point que sur l'autel de la Sainte Trinité du rock allemand se trouvait toujours une bougie pour le "4è groupe" en 2014, année de la résurrection avec 'Inzest im Familiengrab'. La peur d'être déçu était donc manifeste, et la première écoute avait été mitigée. Ce n'est que plusieurs mois après, que l'envie d'y revenir de façon plus prolongée s'est manifestée, un phénomène déjà expérimenté avec 'Fundamental' en 2003, qui déjà aux premiers abords apparaissait plus comme un recueil de chansons pop débilisantes qu'un véritable album de punk. Le groupe de terreur remettait donc le couvert avec sa recette "Non-stop Aggropop", mais loin de faire un copier-coller de leur opus précédent les Berlinois ont opté pour une certaine évolution de leur son.
La chose la plus frappante est cet esprit retro, avec un orgue typé 70s voire 60s, qui vous ramènera autant au rock anglais sucré de jadis qu'aux joyeuseries yéyé. Un parti pris risqué mais qui traduit une réelle volonté du groupe d'affiner son concept. Le MC Motherfucker avait bien conscience de celà, puisqu'en interview il confiait s'attendre à ce que 'Tiergarten' soit traité comme de la "Opa-scheisse" par la frange la plus hipster de la fanbase berlinoise. Le résultat est la plupart du temps addictif et efficace d'emblée, avec un excellent riffing, des refrains s'empreignant dans l'esprit en quelques secondes, et surtout une utilisation intelligente de l'orgue servant de véritable contre-poids à la guitare de Johnny Bottrop. Les amateurs de passades techniques pourront par ailleurs toujours retrouver des subtilités intéressantes à disséquer sous de faux-airs d'accessibilité pop. Un autre point crucial de cet album est qu'il est résolument joyeux dans son approche nostalgique des années d'avant le punk (à la grosse différence d'un 'Coaster' plutôt névrosé), avec parfois même un aspect disco comme sur 'Leider keine Zeit' ! Une fraîcheur qui confine malheureusement parfois à la farce comme sur 'Dauerabo' assez pénible. Aber ist das noch wirklich punk rock ?
A l'image de ce facétieux singe s'étant pris en selfie comme n'importe quelle poufiasse humaine, Terrorgruppe n'a pas perdu son envie d'offrir son plus beau sourire narquois à la société débilisante que l'on doit se coltiner. Comme ce macaque, le groupe adopte une attitude grotesque, caricaturant les aspects les plus mongoloïdes de ce Quastch-system tant honni. Attendez vous donc à retrouver cet esprit moqueur, irrespectueux et parfois cynique qui a fait le succès de la formation. L'extrême droite populiste, les bigots, la gentrification du punk et le quotidien d'une société absurde, toutes les têtes de Turcs du groupe sont à nouveau raillées à coup de rimes. Rien de bien neuf, mais c'est toujours un plaisir de retrouver les allusions à la popkultur d'Outre-Rhin entrecoupées de références aux classiques du punk dans des textes vaguement revendicatifs et portés par la voix unique d'Archie Alert. Celle-ci n'a pas faibli et reste le véritable plus du groupe. Les chœurs sont également utilisés à bon escient, et les guests habituels de ce petit monde berlinois (Skinhead Black de K.I.Z., Luise Fuckface) feront sourire les plus versés dans cet entre-soi particulier.
Au final, il était légitime d'avoir des craintes sur ce brusque retour au charbon du Groupe de Terreur, surtout vu le contexte actuel de gentrification et kvltification ambiant. Mais même si le groupe se perd quelque peu dans la pop crasse et volontairement éculée, il n'en demeure pas moins que le résultat est plus qu'agréable et ne renie en rien l'image iconique que le groupe avait laissé. En 2016 Terrorgruppe a donc encore tout mon respect et je me suis même à nouveau pris à rêver prendre le prochain train pour Berlin, afin de me ruer le jour J dans la fosse d'un club pour gueuler une de leurs chansons à 10.000 lieues d'un quotidien franchouillard sclérosé.
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