(2015)
Quand je m’ennuie vraiment je vais faire un petit tour dans le café dansant de ma tante Gerda. Gerda a des goûts un peu particuliers mais de par sa connaissance poussée des lieux à fréquenter dans la punkerei d'Outre-Rhin, elle se révèle souvent être intéressante. Parfois un peu trop snob pour moi et parfois de très bon conseil. Aussi quand avec mes potos zikos on a décidé de faire un point sur nos connaissances respectives en crust, vint la question qui devait fatalement me tomber sur le coin de la figure : "Et au fait, ça existe le crust allemand ?". Euh... à part Alpinist, 17th November et des groupes un peu à la masse/limite post-emo (brrrr....) du genre je ne voyais rien d'aussi puissant que ce que les Suédois, les Américains ou même les Anglais avaient pu produire. Alors j'ai demandé à Gerda, et elle m'a ramené la démo d'Ärger.
La pochette met de suite dans l'ambiance et c'est sans surprise que10 pistes déglinguées et volontairement lo-fi nous attendent. Dès le premier morceau on retrouve ce qui a fait la force du genre, depuis les pionniers de Conflict jusqu'aux derniers rejetons de cette facette extrémiste du rock. Une basse rondouillarde et inquiétante, des stridences acides à la guitare et une batterie brouillonne mais terriblement énergique sont au menu d'un ensemble bruitiste et urgent qui vous projettera d'emblée dans une atmosphère de nervosité et de rancœur sur fond de déclin civilisationnel. Du lourd. Un pur concentré de punk radical et bien dans ses bottes qui sur certains riffs vous offrira votre dose d'énergie salutaire, et même parfois un peu d'espoir ('3 chords', 'Tyrannosaufusbecks', 'Straszenkampf' ). La cassette compte par contre malheureusement certains autres passages plus dispensables à l'image de 'Aufdiefressekonferenz' confinant aux limites du médiocre.
Au niveau des paroles on reprend son guide de "comment faire du punk pour les nuls" et on applique la méthode un chapitre/une chanson. Tout y passe, sans finesse, sans originalité mais toujours en tapant juste.
L'ethos est respecté à la règle, nazis, politiciens, et petits cons vegans/straight-edges sûrs d'eux-mêmes et de leur connaissances en punkologie sont clairement visés. Toute la mythologie punk à base de contestation, de "pennerviolence" et de rejet aigri du monde est bel et bien là, tournée de la façon la plus authentique qui soit avec un propos plus malin qu'il n'y paraît. La palme revient à 'Pulverfass' qui résume tout avec un laconique "No speed ? No punk ? Fick dich." Le seul bémol est le chant un peu trop étouffé et émotif auquel il faut s'habituer avant de profiter complétement de l'ensemble. Un parti-pris risqué et qu'il faut savoir accepter dans le contexte du reste. Enfin, mention spéciale aux nombreux extraits de reportages ou autre mises en abîme sonores, rudement bien choisis.
Au final une bonne grosse claque dans la gueule à la fois deutschpunk et anarcho-crust qui vous tirera 5 minutes de votre confort matérialiste et vous prouvera que le sale punk de merde en révolte de vos 15 ans n'est pas tout à fait mort. Théorie et pratique se conjuguent ici au service d'un très bon album, direct, nerveux et frappant là où ça fait mal. A réserver aux amateurs éclairés.
Recommandé :
- 'Straszenkampf'
- 'Szenekrieg'
- '3 chords'
- 'Naziscum'
- 'Kritische Theorie'